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Pas si calme sur le front de l’est – réflexions sur la situation Russie-Ukraine

Montréal, le 25 février 2022 BRÈVE NOTE DU CHEF DES PLACEMENTS[1] Commençons cette note en mentionnant que nos pensées vont à tous les Ukrainiens dont la diaspora canadienne est la plus importante au monde après celle de la Russie.[2]  Nous prions pour une désescalade rapide de la situation. L’un de mes groupes de musique préférés en ce moment est un quatuor folklorique ukrainien nommé Dakha Brakha. Beaucoup de chansons de Dakha Brakha ont pour thème la réminiscence de ce qu’était la vie dans l’Ukraine pré-communiste. La raison pour laquelle je mentionne cela alors que certains médias occidentaux décrivent la situation qui se déroule dans la province orientale de Donetsk et Luhantsk comme quelque chose de totalement inattendu, il convient de noter que rien de cela n’est nouveau pour les Ukrainiens qui ont été indirectement contrôlés ou carrément réprimés par Moscou depuis des siècles. En fait, les régions qui subissent aujourd’hui des frappes militaires russes sont vivent sous le coup d’un état d’urgence décaré depuis 2014. Certes, je ne pensais pas que Moscou allait donner suite à ses menaces ouvertes, mais bien que cela se soit intensifié plus que je ne le pensais, je crois toujours que Moscou est prêt à ordonner un cessez-le-feu général et un retrait de ses troupes dès que l’OTAN aura accepté ses demandes. Moscou prétend que l’opération militaire était nécessaire pour protéger les civils dans l’est de l’Ukraine, mais je crois que c’est une excuse car, en même temps, Moscou a clairement indiqué, à plusieurs reprises, qu’elle voulait que l’OTAN promette de ne pas s’étendre à d’autres pays d’Europe de l’Est qui bordent la Russie[3]. Pour le contexte, la Russie partage déjà une frontière avec cinq membres de l’OTAN. L’OTAN, en revanche, refuse les demandes de Moscou en vertu du fait que tous les pays ont le droit à l’autodétermination. Dans cet esprit, je crois que les actions de Moscou au cours des dernières 48 heures visent à vérifier si la détermination de l’OTAN à protéger l’indépendance de l’Ukraine est aussi ferme que la détermination de Moscou à la mettre sous sa tutelle. Implicitement, les actions de Moscou indiquent également qu’elle est prête à ce que la population russe et les conglomérats internationaux russes subissent les contrecoups de sanctions internationales sévères, montrant ainsi que son gouvernement n’est pas contraint par l’opinion publique comme le sont les pays de l’OTAN. En fait, je crois que Moscou compte sur le fait que le public américain a peu d’appétit pour une autre campagne militaire étrangère car il a enfin compris à quel point il est coûteux et difficile d’aider les petits pays à maintenir leur indépendance vis-à-vis leurs voisins belligérants. L’Afghanistan, où les États-Unis n’ont pas réussi à établir un ordre politique ou une économie nationale fonctionnelle après deux décennies, n’est que le dernier exemple. Avant cela, il y eu la Corée du Sud (1948-50 - la Corée du Nord a envahi la Corée du Sud avec le soutien de la Chine et de l’Union soviétique) et le Vietnam (1955-75 - le Nord-Vietnam a envahi le Sud-Vietnam, le Laos et le Cambodge avec le soutien de la Chine et de l’Union soviétique). Pour résumer, je crois que Moscou a conclu que l’OTAN est peu disposée à s’engager dans une nouvelle guerre et que dans l’intrerim, tout ce que Moscou fait maximise les chances de maintenir Kiev sous son influence. IMPLICATIONS DE LA STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT Si la variante omicron ou la perspective d’une inflation galopante étaient insuffisantes, il semble que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait finalement fourni l’excuse pour plonger les marchés de capitaux dans une chute importante. À ce stade, les pertes enregistrées sur marchés boursiers mondiaux depuis le début de l’année s’approchent de 10% et les indicateurs de volatilité sont à nouveau à la hausse. C’est le genre de scénario qui incite les investisseurs à remettre en question leur stratégie d’investissement. Cela étant dit, tout comme nous avons argumenté contre une réduction marquée de l’exposition aux actifs risqués lorsque les premiers cas de Covid-19 ont été révélés en dehors de la Chine sous prétexte qu’il était déjà trop tard, je crois que vendre maintenant, étant donné que tant de peur et d’incertitude sont escomptées, n’est pas la meilleure option. En même temps, je ne suggère pas d’acheter non plus. Après tout, bien que je ne pense pas que la situation en Ukraine se détériorera davantage, une attaque contre les gazoducs russes qui traversent l’Ukraine pour approvisionner l’Allemagne et d’autres parts d’Europe ne peut plus être exclue non plus. Je ne pense pas non plus que la Russie inspirera Beijing à envisager des options similaires pour Taïwan, mais c’est aussi une possibilité. Je voudrais simplement souligner que même si nos modèles suggèrent toujours que les grands marchés boursiers continueront de s’apprécier de 5 % à 7 % par année en moyenne en termes nominaux dans notre scénario de base, cela ne signifie pas qu’ils s’apprécieront de 5 % à 7 % chaque année. On nous rappelle périodiquement, comme c’est le cas actuellement, que les marchés ne progressent pas de manière constante. Il y aura des années à la baisse et il y aura des années de hausses majeures. Comme nous l’avons mentionné à de nombreuses reprises, la clé est de s’assurer que la proportion du capital d’un investisseur qui est investie dans des actifs risqués est conforme à la tolérance au risque ou aux pertes de ce dernier. À cet égard, je suis très à l’aise avec le positionnement que nous avons adopté pour nos clients. Par exemple, grâce aux gestionnaires que nous avons choisis, nous avons largement évité les obligations d’État à long terme qui s’avèrent très vulnérables aux hausses de taux d’intérêt. Nous avons également évité les segments les plus spéculatifs des marchés boursiers qui s’avèrent également vulnérables aux ajustements de la politique monétaire. Nous avons entièrement évité les saveurs populaires telles que les entreprises ayant récemment procéder à un premier appel public à l’épargne et n’avons jamais touché aux crypto-monnaies. Du côté des marchés privés, nous avons systématiquement refusé d’investir dans des entreprises de logiciels en démarrage sur des multiples jamais vus depuis la bulle technologique d’il y a 20 ans. Nous nous sommes plutôt concentré sur la mise en place d’un portefeuille de fonds de couverture dans lequel les fonds sous-jacents mise sur l’arbitrage de valeur relatives, une volatilité ou une dispersion plus élevée ou des stratégies suivant la tendance. Nous avons vu cela comme la meilleure stratégie pour éviter d’être pris au dépourvu dans le cas où les actions et les titres à revenu fixe déçus simultanément. Ensemble, ces petites actions ont contribué à améliorer la résilience des portefeuilles de nos clients. En dépit des événements récents, je demeure optimiste quant à la perspective de pouvoir apprécier Dakha Brakha en concert à Montréal dans un rapproché. Dimitri Douaire, M. Sc., CFA Chef des placements   [1] Le titre est une paraphrase de l'1930 film sur le thème de la Première Guerre mondiale “Tout calme sur le western front” basé sur le roman d’Erich Maria Remarque de 1929. [2] Profil du recensement, Recensement de 2016 : Population d’origine ethnique, Statistique Canada, le 8 février 2017 [3] Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la zone tampon occidentale de la Russie a été réduite à la Biélorussie   Crédit photo

Hausse de l’inflation : ce que les détenteurs d’actifs peuvent faire

Montréal, le 13 octobre 2021 DONNÉES ACTUELLES SUR L’INFLATION Le Bureau of Labor Statistics américain rapportait la semaine dernière[1] que l'Indice des prix à la consommation (« IPC ») aux États-Unis avait augmenté de 5,3 % en août par rapport au même mois de l'année dernière. L'augmentation est toutefois inférieure à l'augmentation annuelle de 5,4 % enregistrée en juillet. De même, l'indice de référence, qui exclut les produits énergétiques et alimentaires plus volatils, avait augmenté de 4,0 % en août par rapport à août 2020. Cette augmentation était également inférieure à l'augmentation annuelle de 4,3 % rapportée le mois dernier. Au Canada, la croissance de l’IPC s'est accélérée à un rythme annualisé de 4,1 % en août contre une hausse de 3,7 % en juillet[2]. Excluant l’essence, les prix ont augmenté de 3,2 % sur un an, contre 2,8 % en juillet, le plus haut niveau en 13 ans. Des observations similaires sont faites ailleurs dans le monde, notamment dans la zone euro et au Japon où l'inflation atteint des niveaux jamais vus depuis une décennie. VÉHICULES D’OCCASION ET PUCES INFORMATIQUES Lorsque nous étudions les augmentations de prix au niveau des sous-composantes de l’IPC[3], nous constatons que la principale contribution à l'augmentation provient des véhicules d'occasion, en hausse de plus de 30 % par rapport à août 2020. Les véhicules d'occasion sont plus chers en raison de la réduction de l’inventaire de véhicules neufs, entraînant une forte augmentation de la demande pour les véhicules d’occasion. La réduction de l’inventaire de véhicules neufs était en grande partie attribuable à une pénurie de pièces clés, incluant des puces informatiques. En effet, afin de répondre aux besoins d'un pourcentage accru de la population mondiale en télétravail depuis le début de la pandémie, les fabricants de semi-conducteurs ont été forcés de réorienter leur capacité de production de puces pour le secteur du transport vers ceux de l’infonuagique, des ordinateurs et des périphériques domestiques. La situation revenait lentement à la normale au début du printemps lorsqu'un incendie s'est déclaré dans l'usine de Renesas Electronics à Naka au Japon où la production de puces n'a retrouvé sa pleine capacité que trois mois plus tard. En parallèle, la pire sécheresse qu'ait connue Taïwan au cours des 50 dernières années a contraint les fabricants de puces de l'île à ajuster leur production qui nécessite une grande quantité d’eau. Fait intéressant : alors que le monde s’est habitué à la menace d'inflation résultant d’une hausse du prix des matières premières, c'est la première fois qu'une pénurie d'un produit manufacturé a un tel impact. Puisque les puces représentent jusqu'à 40 % du coût d'une automobile[4], dans un sens, les puces informatiques sont possiblement devenues en 2021 ce que le pétrole était il y a une génération en termes d'importance stratégique. Heureusement, ce risque n’est plus ignoré. D’une part, Intel a annoncé qu'elle construirait deux usines à Chandler, en Arizona, pour un coût de 20 milliards de dollars. D’autre part, la société Global Foundries appartenant au groupe Mudabala a annoncé qu'elle établirait une usine à Singapour. Nous pensons qu'il y aura d'autres annonces, car le plan d'infrastructure du président Biden a affecté 500 milliards de dollars à ce secteur. À ce titre, nous pensons que le risque de hausse persistante de l'inflation dans le secteur devrait commencer à s’atténuer avant la fin du printemps 2022. PERMISSION D’ACCOSTER REFUSÉE Pour revenir aux causes contribuant aux augmentations de l'inflation, au-delà des véhicules d’occasion, nous notons d'importantes hausses au chapitre des articles ménagers, incluant les meubles, les électroménagers et les vêtements. Comme la grande majorité de ces marchandises importées, leurs prix ont été directement influencés par les coûts de transport par conteneurs. À ce stade, le Drewry World Container Index, qui suit le coût d'expédition d'un conteneur de 40 pieds sur diverses routes dans le monde, a augmenté de 600 % de janvier 2020 à fin août 2021[5]. De même, le Baltic Dry Index, qui suit le coût d'expédition en vrac de matières premières (comme le charbon, le minerai de fer et les céréales) a connu une hausse de 1000 % sur la même période[6]. Les coûts de transport maritime sont extrêmement volatils et le secteur est reconnu pour ses épisodes d'expansion et de contraction spectaculaires. En fait, malgré la hausse spectaculaire des prix à laquelle nous avons assisté au cours des 18 derniers mois, les coûts d'expédition de conteneurs et de vrac sec sont encore loin des niveaux atteints au cours des mois précédant les Jeux olympiques de Pékin en 2008, période durant laquelle d'énormes volumes de matières premières devaient être importés pour tous les projets d'infrastructure qui se développaient. Tandis que le marché du transport maritime s’est écroulé peu de temps après les Jeux avec le reste de l'économie, la flambée des prix actuelle pourrait être plus durable. En effet, bien que le volume du commerce mondial ne soit pas aussi effervescent qu'il l'était en 2008 relativement à la taille de la flotte, la congestion des ports entraîne de longs retards et limite l'approvisionnement. D’ailleurs, une éclosion de COVID-19 dans un terminal du port de Ningbo-Zhoushan, qui a forcé la fermeture partielle du port plus tôt cet été, n'a rien fait pour atténuer l'inflation des prix. Cela étant dit, compte tenu de l'historique de ce secteur, nous pensons que les pressions sur les prix seront probablement résolues grâce à l’augmentation de la capacité portuaire et de la flotte. Cela pourrait cependant prendre un certain temps, car le carnet de commandes actuel pour vrac sec, mesuré en termes de tonnage de commande en pourcentage de la flotte actuelle, a récemment été observé à son plus bas niveau depuis 2003[7]. La perspective d'une pénurie d'équipages risque également de compliquer la situation. En fait, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la Journée mondiale de la mer[8], a reconnu la crise humanitaire à laquelle des centaines de milliers de marins sont confrontés. Trop nombreux sont ceux qui se sont retrouvés bloqués sur un navire, incapables de débarquer en raison des retards de voyage et de la congestion portuaire causés par la pandémie. 139 MILLIONS[9] DE MAISONS À LOUER Jusqu'à présent, nous avons examiné les deux principales composantes des augmentations de l’IPC d'août 2020 à août 2021 et avons conclu que ces augmentations vont vraisemblablement s'atténuer. Étant donné que certaines composantes majeures de l'IPC ont quant à elles connu des hausses beaucoup plus modérées, on peut s’interroger si certaines parmi elles sont susceptibles de subir une hausse à retardement et entraîner une accélération de la hausse de l’IPC. Le logement reste clairement un élément à examiner, ne serait-ce que parce qu'il représente près d'un tiers de l'ensemble de la mesure de l’IPC. Cet item est cependant trompeur, c'est le moins qu'on puisse dire. En effet, mis à part des éléments mineurs tels que le coût d’une chambre d’hôtel et l'assurance habitation, le Bureau of Labor Statistics considère une maison comme un investissement et non comme un article de consommation. Ainsi, au lieu d'utiliser la variation réelle du prix des maisons comme indicateur, le coût du logement est le loyer implicite que les propriétaires occupants auraient à payer s'ils louaient leur propre maison. Il est appelé équivalent loyer pour les propriétaires (« ÉLP »). Pour le mesurer, l'enquête sur les attentes des consommateurs pose simplement la question suivante aux consommateurs qui sont propriétaires de leur résidence principale : Si quelqu'un louait votre maison aujourd'hui non meublée et sans services publics, quelle serait, selon vous, la valeur du loyer mensuel? Les enquêteurs compilent ensuite les réponses recueillies à partir de leur échantillon qui est conçu de manière à être représentatif de la dynamique du logement à l'échelle nationale. Il est facile de voir comment cette méthode d'estimation des variations des coûts du logement peut être trompeuse. En fait, la Federal Reserve Bank de Cleveland a elle-même, dans une recherche menée en 2014[10], suggéré que les variations dans la mesure du ÉLP ne semblaient pas être influencées par les taux d'inoccupation, les taux de chômage ou le taux d'intérêt réel. En outre, seule l'appréciation des prix des logements dans le passé récent semblait avoir une relation statistiquement significative avec les variations de ÉLP telles que mesurées par le Bureau of Labor Statistics. En fait, les données historiques montrent que de 2005 à 2007, les augmentations du ÉLP étaient substantiellement inférieures à l'augmentation du prix des maisons, mais que les mesures du ÉLP ont continué à augmenter de 2007 à 2009 lorsque les prix des maisons chutaient de manière précipitée à l'échelle nationale. En d'autres termes, il semble que, fondamentalement, la mesure du coût d'hébergement du Bureau of Labor Statistics semble assez déconnectée des changements réels dans les coûts d'accession à la propriété. De notre point de vue, cette conclusion est importante, car le ÉLP représente plus des deux tiers de la composante logement qui représente environ un tiers de l'IPC. Dans la mesure où il s'agit implicitement d'un indicateur qui capture à retardement les variations du prix des résidences à mesure que de plus en plus de propriétaires interrogés réalisent ce qui est arrivé aux prix des maisons à l'échelle nationale, ils peuvent ajuster leur réponse en conséquence. Ainsi, même si le prix d'autres articles commence à baisser, comme le bois et le minerai de fer l'ont récemment fait, la baisse de l'IPC peut prendre un certain temps si la composante ÉLP augmentait à retardement. ET SI TOUT LE MONDE SE TROMPAIT ET QUE L'INFLATION ÉLEVÉE ÉTAIT STRUCTURELLE Pour le moment, après avoir étudié les données, nous continuons de croire que la hausse de l’IPC, à un rythme supérieur à la tendance récente, est un phénomène transitoire et non structurel, et que d'ici le deuxième trimestre 2022, l’augmentation de l’IPC aura décéléré à un rythme annuel inférieur au plafond de la bande de confort de la Réserve fédérale. Notre point de vue est conforme au consensus actuel. En fait, l'inflation attendue aux États-Unis à 5 ans dérivée de la différence de rendement entre les obligations du trésor américain avec échéance de 5 ans et les obligations du trésor américain indexées sur l'inflation avec échéance à 5 ans s'est stabilisée autour de 2,5 %. Nous allons mettre de côté les questions sur la volonté et la capacité réelles des banques centrales d'augmenter le taux d'escompte et de mettre fin à leurs programmes d'achat d'obligations. Nous allons plutôt nous demander si les portefeuilles des détenteurs d’actifs sont positionnés pour résister à des augmentations inattendues de l'inflation et, dans la négative, ce qui devrait être changé dans leur configuration pour améliorer leur résilience. PERFORMANCE DES CLASSES D'ACTIFS LORS DES ACCÉLÉRATIONS D’INFLATION : PERCEPTIONS ET RÉALITÉ Dans la section suivante, nous discuterons de la performance historique de différentes classes d'actifs pendant les périodes de hausse de l'inflation. Nous nous interrogerons ensuite sur la probabilité qu’une répétition du passé se produise. Pour finir, nous explorerons les classes d'actifs qu'un investisseur devrait envisager pour repositionner son portefeuille afin de le rendre plus résistant si l'inflation devait persister de manière inattendue. ACTIONS Le récit actuel est que les actions continueraient de progresser si l'inflation était un peu plus élevée. La justification est que les entreprises seraient en mesure de transférer les coûts plus élevés aux consommateurs alors qu'une partie de leurs coûts, tels que les coûts liés à la main-d'œuvre, n'augmenteraient pas immédiatement. De plus, une inflation plus élevée aurait tendance à augmenter le coût de remplacement des actifs existants. Bien qu'il s'agisse d'hypothèses raisonnables, nous pensons que la capacité de transférer des coûts plus élevés aux consommateurs variera considérablement d'une entreprise à l'autre. Selon nous, les entreprises avec une proportion relativement élevée de coûts fixes auront tendance à faire mieux. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les actions de style « valeur » doivent être privilégiées par rapport aux actions de croissance. Cela étant dit, il est important de considérer en même temps les tendances en ce qui a trait à la croissance et à la productivité. Malheureusement, l'inflation a suivi une tendance à la baisse au cours des 40 dernières années. En fait, avant 2021, il n'y a eu que trois cas où l’IPC a augmenté de plus de 1 % par rapport à l'année précédente aux États-Unis : 1987, 2000 et 2008. Nous notons simplement que ce ne furent pas de bonnes années pour cette classe d’actifs même si d’autres facteurs ont pu être en cause. Notre point de vue est que si les actions performaient probablement bien pour des augmentations mineures de l'inflation, nous pensons qu'au-delà d'un certain niveau, les investisseurs commenceront sans doute à penser que l'inflation persistera et refléteront cette vue en ajustant la prime de risque des actions à la hausse, ce qui fera chuter les valeurs boursières. REVENU FIXE La relation entre les rendements obligataires nominaux et le taux de variation de l’IPC a été assez forte depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les rendements obligataires nominaux et IPC ont eu tendance à augmenter en tandem du début des années 1960 à la fin des années 1970 avant de baisser ensemble depuis 1980. Étant donné la relation inverse entre les rendements obligataires nominaux et les prix des obligations, les preuves empiriques sont assez solides : la hausse de l'inflation se fait au détriment des titres à revenu fixe. Cela étant dit, les instruments à revenu fixe n'ont pas tous des caractéristiques similaires. D’une part, les instruments ayant des échéances plus éloignées sont plus sensibles aux variations des anticipations d'inflation. D’autre part, des instruments comme les actions privilégiées canadiennes et les prêts bancaires, dont les distributions augmentent lorsque les rendements des obligations d'état à court ou à moyen terme augmentent, peuvent profiter d'un scénario de hausse de l'inflation. La condition pour que cela se produise est que la hausse de l’inflation doit déclencher une réponse au chapitre de la politique monétaire, car les taux de distribution sont liés au taux directeur et non à l'inflation. En fait, ces instruments ont été négativement impactés par les différentes séries d'assouplissement quantitatif qui ont contribué à abaisser les taux d'intérêt. Ainsi, bien que ces instruments feraient probablement mieux que les obligations d'état et les obligations de sociétés dans un scénario inflationniste, nous pensons qu’ils demeurent plus réactifs aux changements de politique monétaire qu'aux variations de l'inflation. En outre, il est important de noter que même si ces instruments peuvent être efficaces pour de petites augmentations de l'inflation qui entraîneraient de faibles augmentations des taux, au-delà d'un certain niveau, la relation pourrait s’inverser, car il s’agit de titres de dette corporatifs et que le risque de défaut de paiement augmente lorsque les taux augmentent au-delà d'un certain seuil. Une exposition plus directe aux augmentations de l'inflation est possible via les titres du Trésor protégés contre l'inflation (« TIPS ») aux États-Unis qui sont émis depuis 1997. Au Canada, les obligations à rendement réel (« ORR ») jouent un rôle équivalent. Pour les TIPS, la valeur principale est ajustée en fonction de l'inflation. Donc, s'il est détenu jusqu'à l'échéance, le TIPS aura fourni une immunisation complète pour les augmentations de l'inflation. Cependant, avant l'échéance, les TIPS sont touchés par les anticipations futures d'inflation, ce qui peut les amener à s'apprécier ou à se déprécier et potentiellement annuler, au moins temporairement, leurs propriétés de couverture contre les risques liés à l’inflation. Un autre segment du marché obligataire à considérer est celui des obligations des marchés émergents, et en particulier celles libellées en devises locales. La logique est que la valeur des coupons et des paiements de principal pourrait valoir plus en termes américains si les États-Unis connaissaient une période prolongée d'inflation élevée par rapport à d'autres pays, une période durant laquelle le dollar américain pourrait se déprécier. Les propriétés de couverture contre l'inflation des obligations en monnaie locale des marchés émergents pourraient devenir particulièrement intéressantes si les hausses de l'inflation sont entraînées par une flambée des prix des matières premières, desquels de nombreux pays émergents tirent encore une part importante de leurs revenus commerciaux internationaux. Enfin, les revenus générés par les obligations des marchés émergents ont tendance à excéder les revenus générés par les obligations des marchés développés et représentent une prime de risque intéressante à extraire dans le temps. Cependant, le segment n'est pas sans risque. En effet, les risques de défaut et les risques politiques ont tendance à être élevés par rapport aux marchés développés et nous doutons que, dans l'ensemble, les titres à revenu fixe des marchés émergents se comportent bien dans un scénario de stagflation, caractérisé par une inflation plus élevée, mais une croissance économique et de productivité relativement faible. MATIÈRES PREMIÈRES Les matières premières sont généralement considérées comme des instruments propices pour se prémunir contre une hausse de l’inflation. La principale raison est que la demande de matières premières tend à être relativement inélastique par rapport au prix. C'est vrai pour les produits agricoles et énergétiques et dans une moindre mesure, les métaux industriels. L’efficacité de la protection des matières premières contre les hausses d’inflation pourrait toutefois être plus élevée si l’inflation est entraînée par la dynamique de l'offre et de la demande pour un produit de base en particulier, comme ce fut le cas en 1973 lorsque l'Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole a déclaré un embargo sur le pétrole contre les pays qui étaient perçus comme soutenir Israël pendant la guerre de Yom Kippour. Cet embargo a eu un impact sur l'économie mondiale pendant de nombreuses années. Cependant, l'un des défis avec les matières premières est que la classe d'actifs est assez volatile et que, malheureusement, les changements dans les anticipations d'inflation n'expliquent qu'une fraction de cette volatilité. En fait, on pourrait soutenir que si l'introduction de matières premières dans un portefeuille peut contribuer à se prémunir contre des augmentations inattendues de l'inflation, elle pourrait introduire un certain nombre de risques indésirables, voire aggraver les risques existants. Certains soutiennent que l'or et d'autres métaux précieux sont en mesure de mieux protéger contre l’inflation que les autres matières premières. Malheureusement, les données remontant à l'époque où Richard Nixon a rendu le régime de Bretton Woods inopérant en 1971 ne suggèrent qu'une faible relation entre les prix au comptant trimestriels de l'or et l’IPC[11]. Bien que la relation semble plus forte pour des augmentations de l'inflation supérieures à 5 % par an, cela indiquerait que, comme pour les autres matières premières, le prix de l'or est largement déterminé par des facteurs autres que l'inflation, du moins à court terme. En fait, une bonne partie de ceux qui soutiennent que l'or peut constituer une excellente couverture contre l'inflation pense également que l'or est une bonne couverture contre la déflation. Nous sommes plus nuancés et croyons plutôt que l’or peut servir à protéger contre une augmentation du niveau d’incertitude général, pas nécessairement spécifique aux considérations d'inflation. Une autre théorie[12] suggère que les prix de l'or sont inversement liés au rendement réel anticipé des autres actifs financiers. En d'autres termes, le meilleur environnement pour détenir de l'or est celui où les taux de rendement réels (c'est-à-dire les taux de rendement nominaux après inflation) devraient être faibles. Nous pensons que cette théorie a un sens intuitif, car l'or, un actif qui ne produit aucun revenu, devient une alternative intéressante aux actifs dont les revenus ne devraient pas couvrir le coût de l'inflation. Cette théorie ne s'est cependant pas avérée très efficace récemment. En effet, malgré des taux de rendement réels négatifs qui prévalent au chapitre des titres à revenu fixe, l'or ne s'est pas significativement apprécié et est même en décalage par rapport à la plupart des autres matières premières depuis quelques années. Pour être clair, le comportement de l'or nous intrigue. Certes, il semble y avoir une influence sur plus de facteurs que nous ne connaissons pas que de facteurs que nous connaissons. Nous nous demandons même si les actions des géants des technologies de l’information n’ont pas en quelque sorte pris le relais de l'or comme couverture contre la baisse des taux de rendement réels. INFRASTRUCTURE, IMMOBILIER COMMERCIAL, TERRES AGRICOLES ET TERRES À BOIS Les actifs réels sont souvent présentés comme des actifs qui s’apprécient lorsque l’inflation augmente, car les revenus générés par les actifs sous-jacents via les loyers, les péages et les autres sources ont tendance à augmenter avec le temps. Comme la plupart des investisseurs accèdent à ces actifs principalement par le biais de fonds de marchés privés qui publient rarement des valeurs liquidatives, il est difficile de valider empiriquement cette affirmation. Certains chercheurs utilisent des indices de référence construits à partir de titres cotés en bourse, tels que les fiducies de placement immobilier (« FPI ») ou les actions de compagnies impliquées dans le domaine de l’infrastructure pour estimer la sensibilité des actifs réels à divers facteurs de risque, puis extrapolent les résultats aux marchés privés. Pour nous, il s'agit d'un exercice délicat, car la nature des sociétés cotées en bourse peut être très différente de celle des sociétés privées dans le domaine des actifs réels. Par exemple, le côté public des FPI est largement composé d’actifs immobiliers qui ont un taux d’occupation au-delà de 90 %, tandis qu'il y a généralement un contenu plus important de projets de développement du côté privé. En fait, les FPI publics sont souvent acquéreurs d'actifs nouvellement développés dans le domaine privé. En ce qui concerne les infrastructures cotées, les indices cotés en bourse incluent des sociétés d’ingénierie et de construction qui peuvent être un peu plus cycliques que les actifs d'infrastructure eux-mêmes. Au final, il existe en effet des actifs qui présentent une capacité supérieure à répercuter l'inflation des coûts, comme les services publics d'électricité réglementés, mais ce n'est pas vrai pour tous les actifs. Les valeurs réelles des actifs changent en réponse à plusieurs facteurs et nous soupçonnons que l'inflation n'est responsable que d'une proportion modeste des variations des prix des actifs réels, un peu comme la situation que nous avons décrite pour les matières premières. De plus, les variations de valeur liées à la dynamique offre/demande des marchés locaux et à la structure de la dette sous-jacente aux actifs réels semblent revêtir une importance capitale. Par exemple, dans un scénario de hausse de l'inflation, les actifs réels financés par de la dette fixe à long terme devraient s'apprécier davantage que les actifs comparables financés par la dette à court terme à taux variable. La raison est que le profit importe plus que les revenus et qu'une dette à taux fixe sera plus avantageuse qu’une dette à taux flottant, car les paiements associés à ce dernier, contrairement au premier, augmenteront probablement avec l'inflation. Dans cette optique, nous pensons que les taux d'intérêt, en particulier les taux d'intérêt à long terme, ont une plus grande influence sur la valeur des actifs réels que l'inflation elle-même. Après tout, les actifs réels ont été parmi les actifs les plus performants de la décennie précédente, une période relativement bénigne du point de vue de l'inflation, mais qui a vu les taux d'intérêt à long terme baisser de manière relativement constante. STRATÉGIES ACHETEUR/VENDEUR ET DE VALEURS RELATIVES Comme nous l'avons vu jusqu'à présent, la grande majorité des actifs qui présentent potentiellement des caractéristiques intéressantes de couverture contre l'inflation sont également sensibles à de nombreux autres facteurs. Ainsi, en introduisant ces actifs dans un portefeuille, les investisseurs doivent mesurer les autres risques introduits et dans quelle proportion par rapport aux actifs déjà détenus. Alternativement, les investisseurs pourraient envisager l'introduction de stratégies acheteur/vendeur ou de valeur relative dans lesquelles l'instrument vendu à découvert est conçu pour réduire, voire annuler une ou plusieurs des caractéristiques indésirables de l’actif qui est détenu à long terme. Un exemple serait l'introduction de stratégies autour du concept de « point mort » d'inflation, qui consistent en une position acheteur sur une obligation liée à l'inflation, généralement un TIPS, et une position vendeur sur une obligation d'état d’échéance équivalente. Le but de ces stratégies est d'éliminer l'impact des changements dans les anticipations d'inflation durant la période de détention. Ceci est important, car, comme nous l'avons vu précédemment, les changements dans les anticipations futures d'inflation entraîneront des fluctuations dans la valeur des TIPS qui ne sont pas liées au niveau actuel d'inflation. En revanche, une position longue TIPS couverte par une obligation d'état équivalente à la durée éliminera ce risque et se traduira par une stratégie de couverture d'inflation plus pure. Une autre stratégie pourrait consister à établir une position acheteur dans un panier de titres présentant des caractéristiques de couverture d'inflation souhaitables, telles que des actions liées aux infrastructures ou aux matières premières. En contrepartie, une position vendeur sur le marché global serait instaurée, mettant ainsi l'accent sur les caractéristiques de couverture contre l'inflation et en réduisant le risque du marché lui-même. Il s'agit du type de stratégies mises en œuvre tactiquement par les gestionnaires de fonds de couverture avec un style macro, souvent avec un effet de levier important afin de multiplier les bénéfices potentiels. Le principal défi est d'identifier les gestionnaires dont l'exposition du fonds à une thématique d'inflation haussière serait suffisamment importante par rapport à d'autres expositions pour justifier une allocation sur cette base. Malheureusement, ces gestionnaires sont rares, car le commerce de la vente de protection contre l'inflation n'a pas été très lucratif au cours des vingt dernières années. La plupart d'entre eux se sont tournés vers autre chose ou ont diversifié leur portefeuille au point que les propriétés de couverture contre l'inflation avaient été fortement diluées. CONCLUSION Nous avons discuté en détail des causes qui sous-tendent l'augmentation de l'inflation et avons conclu que le phénomène est temporaire. Nous avons également débattu de l'idée que la composante logement du calcul de l'indice de référence des prix à la consommation pourrait en soi être un indicateur d’inflation à retardement et que cette composante pourrait entraîner la persistance de l'inflation. Nous avons ensuite examiné chaque classe d'actifs du point de vue de leurs caractéristiques respectives de couverture contre l'inflation et conclu qu'il est difficile de rendre un portefeuille d'investissement plus résistant face à des augmentations inattendues de l'inflation. D'une part, la réalité est que la répartition traditionnelle des titres à revenu fixe et des actions ne donne généralement pas de bons résultats lorsque les anticipations d'inflation s'accélèrent trop rapidement. D’autre part, la grande majorité des actifs ou des stratégies présentant des caractéristiques de couverture contre l'inflation supportent également d'autres risques qui sont parfois supérieurs aux risques que l’on veut réduire. L'essentiel est de trouver l'équilibre approprié dans le choix des actifs et de leur allocation correspondante, de sorte qu'un portefeuille se porte relativement bien si les anticipations d'inflation augmentent sans être négativement impactées si les anticipations d'inflation demeurent stables. Nous pensons que les solutions que nous avons déployées et le cadre de construction de portefeuille robuste qui l'accompagne améliorent les résultats attendus dans un scénario d'inflation croissante sans compromettre les résultats attendus dans d'autres scénarios. Dimitri Douaire, M. Sc., CFA Chef des placements   [1] Bureau of Labor Statistics [2] Statistiques Canada [3] Nous mettons sur l’indice de référence excluant la composante énergétique et celle liée à la nourriture, car cette dernière n’influence pas les décisions de politique monétaire. [4] Source : Alix Partners [5] Source : Drewry [6] Source : Bloomberg [7] Source : BIMCO [8] 30 septembre 2021 [9] Estimé du dernier recensement aux États-Unis [10] Federal Reserve Bank of Cleveland, Recent Owners’ Equivalent Rent Inflation Is Probably Not a Blip, August 11, 2014 [11] Source : World Gold Council [12] Robert Barsky & Lawrence Summers, Gibson’s Paradox and the Gold standard, 1985   Crédit photo

Des projecteurs de Lagado aux promoteurs de SAVS modernes

Montréal, le 23 septembre 2020 DES PROJECTEURS DE LAGADO AUX PROMOTEURS DE SAVS MODERNES Dans le roman satirique Voyages de Gulliver[1] de Jonathan Swift, le protagoniste visite Lagado, la métropole de l’île fictive de Balnibarbi, où il a le privilège d’observer les travaux de Projecteurs, chercheurs de la Grande Académie. Là, il fait la connaissance d’académiciens qui consacrent leur vie à des études futiles comme l'extraction des rayons du soleil des concombres, la transformation de la glace en poudre à canon ou le ramollissement des billes pour rendre les oreillers plus confortables. Swift était l'un des satiristes et pamphlétaires politiques les plus célèbres de son temps et l’épisode de Lagado peut être interprété comme une parodie des excès spéculatifs qui prévalaient à la fin du 17e et au début du 18siècle. Il est d’ailleurs intéressant de mentionner que les Voyages de Gulliver a été publié peu de temps après que la génération de Swift eut assisté à l’effondrement de deux des bulles boursières les plus importantes de l’histoire. La première est survenue au milieu des années 1690. Elle impliquait une multitude d'entreprises devenues publiques quelques années plus tôt. Presque toutes étaient engagées dans la fabrication ou la distribution de pompes et d’équipement de plongée, des industries qui sont soudainement devenues populaires après que Sir William Phips et ses associés, lors d'une expédition privée, eurent récupéré près de 3000 pièces d'or et trois lingots d'argent de l'épave d’un galion espagnol le Nuestra Señora de la Concepción. On estimait alors qu’il ne s’agissait que de posséder le bon équipement pour faire fortune. Ultimement, la plupart des périples furent des échecs retentissants et les participations dans les entreprises qui fournissaient du matériel pour des expéditions se sont retrouvées sans valeur. La seconde, soit la bulle spéculative de la mer du Sud, qui a pratiquement provoqué la faillite de l'Angleterre en 1720, se voit presque toujours attribuer un chapitre spécial dans les livres traitant de l’histoire des marchés financiers. C’est la Compagnie de la mer du Sud (South Sea Company) qui a principalement fait l’objet de spéculations financières soutenues. Fondée en 1711, elle bénéficiait d'un monopole du gouvernement britannique pour le commerce des esclaves avec l'Amérique centrale et du Sud alors contrôlé par l’Espagne. Pendant de nombreuses années, les actions de la compagnie ont langui en dépit d’un dividende annuel garanti de 6 %, car les termes du traité d'Utrecht avec l'Espagne en 1713 se sont avérés moins favorables que prévu. En effet, une taxe annuelle et un quota strict étaient imposés aux esclaves importés en Amérique. La confiance a été rétablie en 1718 lorsque le roi George I lui-même a été nommé au Conseil des gouverneurs de la Compagnie de la mer du Sud. Toutefois, ce n'est qu'en 1720 que les actions ont pris leur envol après que le Parlement britannique eût accepté l‘offre de la société de reprendre la dette nationale en échange d’un prêt à court terme. L'entreprise s'attendait à ce que l'expansion de ses activités commerciales lui permette de payer la dette publique. Peu de temps après l'annonce, les actions ont été multipliées par huit. Les affaires étaient lucratives pour les prêteurs usuraires qui accordaient des prêts aux Londoniens voulant acquérir des actions et pour les escrocs et les fraudeurs qui faisaient la promotion des actions d'autres sociétés commerciales engagées dans le même domaine. Un aventurier a même créé une entreprise dont le prospectus promotionnel mentionnait: « … un engagement des plus avantageux, mais dont personne ne sait de quoi il s’agit[2] ». Finalement, le marché boursier s'est effondré, entraînant avec lui tout le pays, y compris des membres notables de l'aristocratie. L'effondrement de la Compagnie de la mer du Sud a conduit Sir Isaac Newton – qui aurait perdu une fortune dans la débâcle – à déclarer: « Je peux calculer le mouvement des étoiles, mais pas la folie des hommes ». Il convient tout de même de préciser que, selon nous, les marchés boursiers globaux dans leur ensemble ne sont pas en territoire de bulle du point de vue des valorisations. En fait, relativement parlant, les obligations gouvernementales des pays développés – avec des maturités comprises entre 5 et 20 ans et dont le rendement à échéance se situe à des niveaux bien inférieurs au taux d'inflation anticipé sur la même période – nous apparaissent dans un état beaucoup plus précaire. Cela est particulièrement vrai maintenant que la Réserve fédérale a reconnu qu'elle laisserait l'inflation dépasser son objectif à long terme de 2 % avant de relever les taux d'intérêt. Néanmoins, quelques symptômes nous portent à croire que des bulles sont en train de se former dans quelques secteurs du marché boursier, dont certains constitueraient assurément des sources d'inspiration fertile pour Swift, s'il était vivant aujourd'hui. Par exemple, nous avons été témoins de situations où des émissions d'actions dilutives ou des annonces de fractionnement d'actions sont perçues de manière positive sous prétexte que plus d’acheteurs marginaux pouvaient désormais s’en procurer. Parmi d'autres exemples, mentionnons le volume record récent de transactions sur les options d'achat d'actions à court terme ou l'exubérance autour des sociétés d'acquisition à vocation spéciale (SAVS). À titre d'information, une SAVS est une société cotée en bourse établie dans le seul but d'acquérir une autre société dans un délai donné, généralement 2 ans. À sa date de création, une SAVS ne possède aucun actif et les sommes qu'elle mobilise auprès des investisseurs, dans le cadre de son propre appel public à l’épargne (APE), sont conservées dans une fiducie jusqu'à ce que le promoteur de la SAVS concrétise une fusion avec une société d'exploitation. À la suite de la fusion, la société d'exploitation devient société publique. Généralement, en échange d’une petite contrepartie, les promoteurs reçoivent une combinaison d’actions de la SAVS (habituellement 20 % des actions en circulation) et de bons de souscription dont le prix d’exercice est légèrement supérieur au prix d’introduction en bourse. Il est important de noter que l’investisseur est rémunéré en actions une fois la fusion réalisée, et non en fonction des performances de la société après la fusion. En d'autres termes, les promoteurs de SAVS ont tendance à être davantage motivés par la stricte réalisation d'une opération de fusion elle-même que par le succès financier de la société. Si une SAVS ne parvient pas à réaliser une fusion dans les délais, elle est contractuellement tenue de restituer le capital à ses actionnaires. En 2020, le rythme auquel les SAVS font leur entrée en bourse est plus élevé que jamais. Par ailleurs, le montant des fonds collectés par les SAVS et le nombre de transactions conclues sont également en voie d’établir des records annuels. Notre estimation suggère que les SAVS ont un butin de plus de 40 milliards de liquidités provenant de leurs introductions en bourse respectives. Autrefois une niche boursière minuscule et obscure attirant un certain nombre de personnages peu recommandables, les SAVS ont gagné en notoriété à mesure que des investisseurs plus sophistiqués tels que Bill Ackman[3] s’y sont impliqués. Plusieurs célébrités et personnalités politiques profitent également de la popularité des SAVS, notamment Billy Beane,[4] personnage dépeint dans Moneyball, qui est derrière Red Ball Acquisition Corp. ou Paul Ryan, ancien leader parlementaire du parti républicain, qui est le président de la compagnie Executive Network Partnering Corp. Certains soutiennent que des raisons légitimes sous-tendent la décision d'une société d'exploitation de devenir publique par le biais d'une fusion avec une SAVS, par opposition à la voie traditionnelle d’un APE. La rapidité d'exécution et la certitude du montant obtenu figurent probablement parmi les raisons les plus importantes comparativement au processus d'introduction en bourse qui est fastidieux et pour lequel la valeur obtenue n'est généralement connue que 24 à 48 heures avant l'introduction en bourse officielle. Du point de vue de l'actionnaire d’une SAVS cependant, nous ne voyons pas beaucoup de bonnes raisons pour adhérer au modèle, bien au contraire. Premièrement, comme décrit ci-dessus, il existe un désalignement inhérent entre les intérêts du promoteur d’une SAVS et les intérêts de ses actionnaires. En effet, le promoteur est généralement rémunéré simplement pour la réalisation d'une transaction alors que la rémunération des actionnaires est liée au succès à long terme de l'entreprise. Fondamentalement, à moins que le promoteur ne parvienne à acquérir une société sous-évaluée d'un pourcentage plus élevé que le pourcentage de la société qu'il obtient pour la réalisation d'une transaction, les actionnaires de la SAVS ont tendance à obtenir une fraction plus petite de l'entité post-fusion que celle que le montant défrayé leur conférerait normalement. Bien que certains affirment que les sociétés qui font leur introduction en bourse sont chroniquement sous-évaluées, compte tenu ces dernières années de la piètre performance d'un grand nombre d'entre elles peu après leur introduction en bourse, nous pensons que l'argument est discutable. Deuxièmement, un actionnaire de SAVS ne bénéficie pas du même degré de protection et de transparence auquel il pourrait s’attendre lors d’un processus normal d’introduction en bourse. Après tout, les investisseurs qui envisageaient d'acquérir des actions WeWork ont été récompensés lorsque les documents déposés par la société ont révélé les lacunes de sa gouvernance et ses pratiques comptables agressives, obligeant finalement la société à abandonner ses projets d’introduction en bourse. Malheureusement, si l'histoire est un guide, dans un monde inondé de liquidités et de taux d'intérêt nuls, alors que de nombreux promoteurs sont sans aucun doute bien intentionnés, il est presque certain que de nombreuses entreprises dramatiquement surévaluées et potentiellement frauduleuses attireront l'attention des SAVS. À bien des égards, les tactiques d’ingénierie financière des promoteurs de SAVS pour la création de valeur ne sont peut-être pas si différentes des techniques de recherche pseudo-scientifiques douteuses employées par les Projecteurs de Lagado. Heureusement, des signes d'excès spéculatifs semblent provenir de segments relativement bien circonscrits, notamment celui des actions à fort potentiel de croissance. Ainsi, l'idée n'est pas d'éliminer complètement l'exposition aux actions de croissance. En fait, nous constatons que certains titres de croissance restent sous-évalués par rapport aux titres de type valeur. Par conséquent, du point de vue de la construction d’un portefeuille, il s’agit de maintenir un bon équilibre entre les différents types d'actions et entre les classes d'actifs. Dimitri Douaire, M. Sc., CFA Co-chef des placements   [1] Jonathan Swift, Gulliver’s Travels. Titre original: Travels into Several Remote Nations of the World. In Four Parts. By Lemuel Gulliver, First a Surgeon, and then a Captain of Several Ships, Benjamin Molte, 1726. [2] Charles Mackay, Memoirs of Extraordinary Popular Delusions, Richard Bentley, Londres, 1841. Traduction libre. [3] En juillet, Bill Ackman a levé 4 milliards pour le premier APE de Pershing Square Tontine Holdings Ltd., la plus importante SAVS jusqu’à présent. [4] Billy Beane fut le directeur général des Oakland Athletics dans la ligue de baseball professionnel de 1997 à 2015. Ses exploits dans sa tentative de mettre sur pied une équipe compétitive en dépit de contraintes budgétaires sérieuses ont été portés à l’écran dans le film Moneyball (2011, dirigé par Bennett Miller) basé sur le livre Michael Lewis’s Moneyball: The Art of Winning an Unfair Game (W.W. Norton & Company, 2003). Crédit photo